Enfin, un endroit abrité avec un frigo, une paillasse et un microonde, et même une table et deux chaises...
Héhé ! Ca faisait 26 ans que je vivais sans cuisine...
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D'habitude, je loue le matos à usage temporaire (bétonneuse, robot de cuisine, scie circulaire, moulin à café,...)
Aujourd'hui, chez locamat', j'ai besoin d'une disqueuse pour deux jour :
- Awa, on est fermé jusqu'au 5 janvier !
(Normal ! En Calédonie, les Ste Vierge mettent 15 jours pour accoucher : les Jésus font entre 3,8 et 5,2 kg)
Alors, acheter un coupe-boulon à la quincaillerie du coin ?
Surprise : A usage égal, le coupe-boulon est 2 fois plus cher qu'une disqueuse neuve made in Pologne, même louée pendant 15 ans !...
Moralité : C'est décidé, j'vais acheter une brosse à dent électrique perso au lieu de la louer à Locamt' !
Non mais...
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Grosses pluies (Houaillou= 540mm/1journée. C'est énorme !)
Donc routes emportées, glissements de terrain, caserne des pompiers noyée sous la bouillasse ... , alerte à la dengue, stations d'épuration dépassées, des germes fécaux à la plage... Bref, une répétition petite échelle du changement climatique mondial dont tout l'monde se fout ! Bof...
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(Skype du 31/12/2011)
... Elle me raconte son enthousiasme pour le Canada qu'elle est en train de découvrir avant de s'y installer pour y vivre : elle m'explique la vie sociale, l'espace, le confort, la civilisation, la culture...
Elle conclut :
- Papa, tu devrais venir ici... c'est vraiment chouette, c'est un pays pour toi !
Bien sûr, son exhaltation me touche. Et je sais tout ça depuis longtemps...
- Merci Aurélie... Mais c'est trop tard. (Ah si tu m'en avait parler avant hier, quand j'étais plus jeune...)
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(Mars 1974)
... Pour ses élèves, il était Mr Pellet, prof d'Histoire-Géo au seul bahut de St Joseph. Pour ses amis, c'était Pierre, un hédoniste polyvalent, philosophe discret, gastronome affiché et artiste dans l'âme : Certains de ses dessins & aquarelles sont encore au musée de St Denis. Moi, je le reconnaissais comme un homme intéressant, cultivé et courtois. Quelqu'un sur lequel on pouvait compter et à côté duquel, j'étais un plouc !
... Le cyclone s'éloigne. Le courant est rétabli sur la côte, mais dans les hauts, il ne fallait pas compter sur l'électricité avant plusieurs jours. Les rares groupes électrogènes et les routes obstruées m'invitaient à la tournée des congélateurs et des frigos des boutiques, comme à chaque fois que le courant est interrompu plus de trois jours. Car je suis responsable de l'inspection des denrées alimentaires animales et d'origine animale" (IDAOA).
- J'peux venir avec toi, me demande Pierre ?
Nous voilà partis à flan du volcan, sur les petites routes tortueuses dans les champs de cannes à sucre. Une vingtaine de petites boutiques sont disséminées n'importe où dans des coins les plus improbables (Plaine des Grègues, Petite-Ile, Parc à moutons, Grand Coude,...) Loin de la côte, les "boutiques sont rarement en dur. Le plus souvent, des baraques en planches racornies sous un toit en tôles à quatre pentes. Elles tiennent debout par la peinture aux couleurs vives et par des panneaux Coca-cola ou rhum Bourbon ou Isautier. A un angle, une citerne d'eau de pluie à usage public, dans l'autre coin, l'arrivée de la ligne électrique et du téléphone sorties de nulle part dans les champs. Après un seuil usé, une seule pièce sombre, un comptoir usé et ses bocaux de sucreries, quelques étagères poussiéreuses pour quelques bouteilles et des conserves basiques. Du plafond, les rubans tue-mouches. une vitrine douteuse pour les pâtisseries du dimanche, et dans un coin, deux ou trois congélateurs souvent vétustes, rectifié 1970.... (Les matériaux de construction, le poisson et la viande fraîche sont sur commandes.) Derrière un rideau en plastique, une petite annexe fait office de bar à rhum sur toile cirée. C'est là qu'il y a le téléphone. Ces boutiques sont un lieu d'approvisionnement et d'informations pour moi. Elles sont tenues en famille par des viets ou des indiens qui font crédit d'une saison à l'autre...
Après chaque cyclone, c'est le même rituel. Sans courant, le poisson décongèle sur la viande, les sorbets coulent sur le pain et les barquettes sont prises de givre. Mon rôle se résume au bilan des dégâts, quelques destructions immédiates et aux formulaires d'assurances quand il y en a. Pendant que je parlemente avec le patron sur le coin du comptoir, Pierre fait le tour des recoins accessibles de la boutique, en quête de n'importe quoi : une vieille gravure, un flacon au contenu mystérieux, une bouteille étiquetée... Il négocie l'acquisition de ses curiosités, ou se fait raconter une histoire "pays"... Au fond de la voiture, un carton récupère tout un bric-à-brac....
En route, Pierre me parle en connaisseur de ses diverses trouvailles qui vont de la pièce de collection désuète au répertoire du catalogue de Manufrance :
- Ca, c'est un Montrachet 1958. Avec un peu d'chance...
Quelques jours plus tard, Pierre nous invite à souper. Dans un coin, un carton de bouteilles poussiéreuses. Des blancs, ces rouges, des... indéfinissables. Et sur une table, le butin de nos expéditions : des boîte de sardines millésimées, de bouteilles d'alcool, des affiches jaunies, un vieux moulin à café à manivelle, des porcelaines baroques, d'anciennes sulfures à inclusions, des charnières de malle en vrai cuivre, des clous forgés à la main, des boites de thé en bois Compagnie des Indes ...
Dès l'apéritif, c'est le choix entre Dubonnet, Picon, Cinzano, Porto vieux, Arack et autres vins cuits obsolètes, (du vin de Grenade jusqu'à de la Jouvence de l'Abbé Souris).... Pendant le repas, les bouteilles défilent entre les mains de Pierre qui traduit l'étiquette, commente, débouche, goûte, en expert. Puis il nous sert avec cérémonial ou il vide la bouteille bouchonnée ou madérisée sur la pelouse. Les bouteilles se succèdent pendant qu'au fur et à mesure, Pierre nous expose l'histoire de chaque crû de Bourgogne- Pendant la campagne de Russie, Napoléon carburait au Chambertin... Parmi une vingtaine de bouteilles, seulement trois sont agréées à notre table, dont un Pouilly-Vinzelles 1957. Pierre nous explique l'histoire et la rareté de ce crû remarquable dont il gardera la bouteille vide...
En fin de repas, nous sommes les cobayes consentants de rhums variés, vieux armagnac et alcools forts divers (Eau de mélisse, Willemine d'âge, Slivovitz de quetsches, Marasquin, vieux Cointreau,...)
Au moment de se séparer, Pierre relance une autre invitation pour la semaine prochaine : On testera... les bordeaux !